La 20ème édition de cette randonnée cyclo touristique mondialement connue qui suscite tous les 4 ans un enthousiasme international exceptionnel auprès des passionnés de vélo, a rassemblé 6.810 cyclistes de près de 71 nationalités différentes. Environ 300 Indiens, des Japonais, des Australiens, des Lituaniens, des Norvégiens… et 2.000 Français.
C’est dans un subtil mélange d’inquiétude et d’impatience que Pierre Ozimek a appréhendé les journées qui ont précédées le départ de cette épreuve. Le vendredi soir 18 août 2023, Pierre et son épouse Edith étaient invités au restaurant « La pointe du groin », par Jonathan Abitol, Président du Club Vélo des Randonneurs du Québec, avec lequel il a roulé en 2019. Cet établissement est d’ailleurs tenu par un randonneur Thierry Breton, qui a fait PBP 2019 en 50h pour ses 50 ans. Les cyclistes de l’Audax Club et du CVRQ étaient également présents, bref ce fut une soirée entre passionnés !


La météo était favorable, les sacoches sur le vélo remplies de barres de céréales, de compotes, de biscuits et d’un sandwich pour le début de soirée étaient bouclées. Mais les traditionnelles bananes ont été oubliées !
Si tous les participants discutaient avec le sourire quelques heures avant le départ, les premiers regards des randonneurs se fixaient d’abord sur la monture de leurs “concurrents”. Ici le vélo de Pierre Ozimek.

Puis il a pris place dans le sas « E » de la 5ème vague de 225 coureurs, dont le départ était fixé à 17h. C’est à 16h00 ce dimanche 20 août 2023, que les premiers concurrents de cette 20ème édition du Paris-Brest-Paris (PBP), se sont élancés sous les clameurs du public. Depuis quelques jours, cette ville des Yvelines ne vivait plus que pour le vélo. Une parenthèse qui s’est refermée jeudi après l’arrivée des derniers cyclorandonneurs, qui ont bouclé 1.219 km.

Le challenge de cette épreuve est de parcourir les 1.219 km en moins de 90 heures, entre Rambouillet et Brest, au format aller-retour. Il n’y a pas de classement et chaque participant est venu réaliser son propre rêve, avec une seule ambition : terminer !
Avec vingt et une vagues de départ, chacune composée de 250 à 300 cyclistes, la majorité des participants sont partis le dimanche 20 août. Six autres vagues de départ ont eu lieu très tôt dans la matinée du lundi 21 août, entre 4 h 30 et 6 heures, « pour ceux ne voulant pas rouler de nuit dès le premier soir », a indiqué Philippe Guillée, du comité d’organisation de l’Audax club parisien (ACP), orchestrant le Paris-Brest-Paris. La première vague de ces partants regroupe généralement les plus aguerris et les plus impatients d’en découdre avec leur propre objectif personnel : 255 cyclistes de 34 nationalités dont 3 % de femmes et 64 Français.
Les participants se sont lancés sur le trajet en totale autonomie et ont le devoir de valider leur passage aux différents points de contrôle et de ravitaillement installés tous les 80km. Ces points ont été gérés de manière traditionnelle par les clubs de cyclotourisme locaux. D’ailleurs les associations locales, les bénévoles et les spectateurs tout au long des routes ont participé à cette atmosphère festive. Des chefs cuisiniers ont rivalisé de créativité pour nourrir les participants aux points de contrôle, à l’instar de Louis Durant qui en 1909 inventa le fameux du Paris-Brest, ce gâteau emblématique de la randonnée. Au-delà du défi sportif le Paris-Brest-Paris ou PBP a transformé les communes traversées en lieux de célébration.
Les premières vagues se sont succédées et Pierre a franchi la ligne de départ à 17h04 sous les encouragements nourris, d’Edith et de Jean. Les vélos spéciaux ont suivi 1/4 d’heure plus tard et Jonathan a entamé ce périple à 18h.
C’est parti pour trois jours de vélo. Les premiers kilomètres ont été parcourus le plus souvent en peloton conséquent.
Pierre a fait un bref arrêt à Mortagne au Perche pour manger un plat chaud, car le sandwich était avalé et digéré depuis un bon moment. Il ne s’est pas attardé pour prendre la direction de Fougères.
Lundi 21 août à 5h26, soit après 12h30 d’effort, il a pointé au contrôle et a dormi 1h15 sur son nouveau matelas pneumatique. Au réveil, il a avalé deux bols de soupe et un yaourt avant de reprendre la route.

Cette épreuve est éprouvante pour les corps car après une nuit blanche, certains cyclistes manquent de sommeil. Ils n’ont pas à chercher loin un endroit où dormir un peu et reprendre quelques forces avant de remonter sur leur vélo.


Pierre est reparti à 8h32 en direction de Brest. A 11h08 il s’est présenté au contrôle de Tinténiac (km 354), puis à 15h05 à celui de Loudéac (km 435). Il en profitera pour se ravitailler en boisson et gâteaux. Carhaix-Plouguer (km 515) a été atteint à 19h29. Il y a pris une douche sans changer de tenue qui était restée sur le vélo dans le parc, puis il a mangé une soupe et un yaourt, car l’estomac était toujours au ralenti, avant de remonter sur le vélo à 21h.
Un arrêt à La Martyre (km 577) dans la nuit à 1h05 pour satisfaire un appétit revenu. 2 crêpes à la confiture et du saucisson ont été engloutis, avant de dormir 30 minutes sur le matelas disposé sous l’abri bus, par les Bretons. Une dernière crêpe avant de saluer ses hôtes et d’enfourcher sa bicyclette pour atteindre Brest (km 604) à 2h24. Juste le temps de refaire le plein et de manger un morceau et le voilà reparti à 3h pour le voyage retour ! Une moitié de faite !
Mais la fatigue se fait sentir, il commence à cligner des yeux. Le contrôle secret de Pleyben (km 658) est arrivé à point, pour dormir 1h30 sur son matelas.
Après ce court intermède, il est reparti « frais comme un gardon ». Il croisera la route de Jonathan (I239) à Carhaix (km 697) à 10h09, avec qui il roulera un moment. Mais son rythme était vraiment plus rapide, notamment dans les descentes des toboggans… et il le laissera sagement filer à son allure.
Ce mardi 22 août 2023, les premiers concurrents du Paris-Brest-Paris ont franchi la ligne d’arrivée à Rambouillet. C’est Nick Dehaan, un jeune Américain de Detroit qui est arrivé le premier en 41h46 minutes à 9h49 précisément, battant par cette occasion le record de l’épreuve avec une moyenne de 29,2km/h. Il était parti dimanche à 16h01 de Rambouillet. « Un rêve qui devient réalité », a-t-il commenté sur Strava.
Pendant que les premiers franchissaient la ligne d’arrivée à Rambouillet, les concurrents arrivaient en masse à Brest. À 11h, 4.256 d’entre eux étaient arrivés à mi-parcours dont Pierre qui était passé à 2h23 après 33h20 d’efforts. Puis il s’est joint à Nina Gold (H078) pour atteindre Loudéac (km 782), où il a pointé à 14h42. A 14h55, il a pris la direction de Paris !
Il alternera les coups de pédales et les ravitaillements en boissons et nourritures diverses pour apporter l’énergie nécessaire et éviter la déshydratation tant redoutée. A 19h08, il est arrivé à Tinténiac (km 867).
Après avoir avalé une crêpe et une saucisse, il s’est renseigné pour manger une crêpe salée avant de quitter la Bretagne…
A la sortie de la ville, Gérard, arborant un tee-shirt des championnats du monde de vélos couchés, lui a dit que le restaurant d’Hédé serait très certainement fermé à cette heure. Pourtant Pierre comptait bien y manger. Que faire ? Demi-tour ?
Gérard, lui a proposé de l’accueillir au stand des vélos couchés présent dans le camping. Ce fut un véritable soulagement. Il y fera la connaissance de toute l’équipe vraiment très sympathique. Au menu, pâtes à la bolognaise, œufs mayonnaises, coca, yaourt, compote. Le top !
Il en a profité pour recharger quelque peu l’électronique et boire un expresso au restaurant du camping au milieu des touristes, qui l’ont applaudi chaleureusement lorsqu’il a quitté le comptoir pour reprendre la direction de Paris… quelle émotion !
La soirée s’est égrenée en faisant connaissance avec les autres membres du Team Vélos Couchés. Puis il a particulièrement apprécié de rouler de nuit en compagnie de Dave King de Vancouver (H242), car depuis la première nuit, son éclairage est tombé en panne, et celui de secours n’éclairait vraiment pas beaucoup.
Le contrôle de Fougères (km 928) a été atteint à 23h38.
A 1h20 il est entré à la Tannière (km 950) avec l’intention d’y dormir un peu, car il connait l’accueil de Paul Rogue et sa famille. La carte postale que Pierre lui a adressée, y est affichée au beau milieu des dizaines d’autres classées par pays ! Mais Jonathan qu’il croisa fortuitement, l’incitera à ne pas se reposer : « On roulera ensemble et on jasera toi et mon pote Québécois Jean-Michel ». Pierre finira par se laisser convaincre. Ce fut un choix payant, car il profita d’un bon éclairage tout au long de la nuit qui est vite passée. A 5h29, ils pénètrent dans Villaines-La-Juhel… et il était temps de dormir.
Pourtant Jonathan continuera ! Mais comment fait-il pour si peu dormir ?
Après 1h15 de sommeil réparateur (merci le matelas) et un copieux petit déjeuner, Pierre est reparti à 8h17. Il a roulé avec Julien (E240) et l’Italia Nazionale Randonneurs qui les fera souffrir, à cause de leur rythme très irrégulier.
C’était la dernière journée et la chaleur devenait accablante en approchant de Mortagne-Au-Perche (km 1099). Ses compagnons de route du moment, étaient visiblement fatigués. Solidarité oblige, il assumera les relais du groupe en compagnie de Christian (W091), Bo (C203) du Danemark, Jean-Paul (D116) et Philippe (Q110).

A 11h41, un nouveau tampon a incrémenté son carnet de route. Il profitera de cet arrêt pour manger une belle assiette de « pasta », boire un café et le voilà reparti pour la dernière ligne droite : il lui restait 120 km à parcourir.
Pierre fera quelques tours de manivelles en compagnie de Clément (G311), dont c’était le premier PBP et de Stéphane (E189), tout en redoutant le retour des Italiens et de leur rapide tandem. Peine perdue, le tandem les a doublé, et le rythme fut particulièrement soutenu jusqu’à Rambouillet. Arrivé à 17h56, il a une nouvelle fois terminé sous la barre des 73h ! Encore un grand bravo à cet athlète insatiable d’exploits en tout genre.

